A une époque où certains débattent encore de la nature artistique du jeu vidéo comme de la culpabilité de Gérard Depardieu, où l’offre multimédia ne fait que grandir, Ubisoft nous offre un dérapage en bonne et due forme concernant la propriété d’une œuvre vis à vis de son acheteur.
Pour les deux du fond, l’éditeur (et développeur) du Far Cry annuel nous a balancé en pleine poire que le futur, c’est la location en cloud ! Et qu’il faut pas trop qu’on s’attache à nos jeux parce qu’ils sont pas vraiment à nous !
Ça tombe bien, Far Cry, j’ai toujours trouvé ça un peu naze, ça sera pas trop compliqué pour moi de m’en défaire…
Relançant ainsi le pas-si-éternel débat autour de la dématérialisation, de la préservation des œuvres et de leurs propriétés !
J’ai notamment entendu sur Game One le vidéaste Sora avançait l’argument ultime en faveur de l’abandon de la propriété de nos jeux : “Far Cry, par exemple, aussitôt fait, aussitôt oublié, tu fais le suivant l’année d’après !”
Décidément, c’est marrant que les jeux Ubisoft soient si souvent cités pour illustrer cette polémique !?
Et effectivement, difficile de lui donner tort. À l’instar de toutes ces itérations de Pro Evolution Soccer sur PS2 recouvrant désormais des rayons entiers dans les magasins d’occasions : PES 1, 2, 3, 4, 5, 6, 2008 (oui, je vais tous les faire), 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2018, 2019, 2020, 2021, il y a fort à parier que la licence Far Cry accompagne les bacs à 2 euros pour les 20 prochaines années à venir !
Ah bah non, ils sortiront plus en boite ! On spéculera donc des centaines d’euros sur Far Cry Primal, vous verrez !
Tout comme ces séries “originales” qui pleuvent sur les plateformes de streaming dont seulement quelques-unes arrivent à faire surface dans la marée d’ersatz qui sort chaque semaine avant de s’évaporer de nouveau direction le cloud !*
Episode 1 : “Bof, c’est naze, change de série !”
Episode 1 : “Ah ouais, c’est comme machin, change !”
Episode 1 : “Je préférais la première en fait"…”
Moquez vous de Tik Tok, mais ce sont les boomers qui ont inventés le zapping.
Dans une société de surconsommation toujours plus demandeuse, toujours prête à bingewatcher n’importe quoi, tellement incapable d’attendre la sortie du prochain épisode que les cliffhangers n’ont plus lieu d’être, le public de spectateur n’est plus dans la demande, mais dans l’offre. Prêt à regarder n’importe quoi, pour peu que le rythme de nouveautés justifie un abonnement toujours plus cher.
Voilà où nous en sommes : la justification. Là où il s’agissait avant de convaincre d'acheter, il faut maintenant persuader de continuer à payer. Cercle vicieux risquant un jour de s’effondrer sur lui-même tant il tourne de plus en plus vite.
On peut y aller mollo sur les métaphores ?
Mais du contenu, c’est facile à faire ! Il n’y a qu’à aller chercher tous ces petits réalisateurs indépendants, ces acteurs débutants, ces scénaristes trop barrés pour le cinéma !
Oui, mais non. On va plutôt demander aux mêmes de faire toutes ces séries et quand ils suivront plus, on utilisera l’IA !
Il est presque amusant de voir que ce qui a causé la fin de la grande ère du piratage, est en train d’en engendrer une nouvelle.
Pendant que Microsoft et Sony parodient Disney, en jouant à “qui rachètera le plus de studio pour finalement ne rien en faire”, les joueurs, eux, n’ont rien pour jouer.
L’offre de Microsoft est pourtant formidable ! Pour une dizaine d’euros par mois, vous aurez accès à de grands jeux le jour de leurs sorties et sans supplément !
-Back 4 Blood… -Ah. -Atomic Heart ! -Hm. -Redfall… -oulah. -Mais aussi Starfield, quand même ! -Ah oui, le mod nul pour Skyrim dans l’espace, c’est ça ?
-Ouiiii, bon, mais y’a aussi tous ces petits jeux indépendants !
-Ah ça c’est sympa ! Mais ils sont bien payés avec des contrats avantageux au moins ?
-Ça dépend.
Soyons francs, tout cela a créé un nouveau syndrome d’ultra tolérance aux trucs graves moyens. Qui n’a jamais lâché un “Bôh ! C’est vraiment sympa pour un truc Netflix !” ou un “Bah c’est un peu nul mais c’est sur le Gamepass alors je l’ai fini" ?
Moi le premier !
Comme souvent, ce qui aurait pu être la porte de sortie d’un modèle culturel fatigué s’est avéré être une énième impasse.
-Bon, ça suffit maintenant ! On peut être littéral un peu ?! T’as pas des solutions à proposer, plutôt ?!
-Plutôt, c’est le canard.
-Quoi ?
Je pourrais vous répondre que la solution est simple : sélectionnez. Un jeu vous plaît ? Achetez-le ! Il n’existe pas de version physique ? Choisissez un site qui vend ses jeux sans DRM ! Plus facile à dire qu’à faire de nos jours, même avec beaucoup de volonté.
Les giga plateformes acquièrent des exclusivités, proposent des soldes imbattables. J’ai envie de vous répondre : piratez. Quitte à ne pas posséder son jeu, autant ne pas l’acheter.
Ah oui, et les petits indépendants, comment ils vont faire si tu pirates ? La même chose que quand vous achetez leur jeu à -80% ou sur le marché ““gris”” : manger des pâtes.
Mais tout cela serait démago, moi aussi, j’en ai, des centaines de jeux à 2 euros sur Steam qui disparaîtront un jour ou l’autre.
La solution, ne vous en faites pas, se manifestera d’elle-même. Tels les Vidéo Futur fantômes que l’on croise au coin d’un centre-ville, les serveurs internet abandonnés joncheront, un jour, les routes du web 2.0. La différence, c’est qu’on pourra pas les piller !
-Tiens, regarde, Netflix ! Tu te souviens comme on été con de payer pour ça !
-Barf ! C’était sympa au début, c’est après que c’est devenu nul !
-Ça me fait penser que j’ai pas renouvelé mon abonnement Napster !
*“Apprend le cycle de l’eau avec Clem”, un livre presque éducatif.
La blague sur la liste des PES, c'était très drôle
Très très juste. J'attends toujours le retour des vidéoclubs, mais bon c'est pas prêt d'arriver.