Robocop - Rogue City (Test No Spoilers)
Titus a commis une erreur, il est temps de réparer cette erreur.
COUCOU. Si c’est juste le test qui vous intéresse, scrollez jusqu’au chapitre “À ton tour, crapule.”
La version courte en vidéo :
Avant-propos
Vous connaissez Teyon Interactive ? Des développeurs Polonais spécialisé dans le shovelware. Mais si, vous savez, ces espèces de jeux flash copié-collé les uns des autres et vendus à un prix dérisoire, souvent destiné aux enfants afin de profiter de parents peu investit et radins ?
Allez savoir comment, après 10 ans de jeux un peu naze sur DS et WII, le studio obtient la licence Rambo, oui oui, la trilogie avec Sylvester Stallone. Nous sommes en 2014, Ubisoft vient d’imposer son modèle de jeu en monde ouvert avec le carton qu’est Far Cry 3, The Last Of Us a mit tout le monde par terre, le genre Survival prend son envol, Jeuxvideo.fr va fermer dans quelques mois et quand les premières images de Rambo : The Videogame débarque, pas mal de questions se posent.
Déjà, des images, il n’y en pas beaucoup. D’ailleurs, on ne verra aucun gameplay jusqu’à la sortie. Le tout n’a pas l’air très joli MAIS rien que l’idée d’un jeu d’infiltration en monde ouvert avec le vétéran laisse rêveur et les suppositions vont bon train !
Pas de bol, le jeu sort : C’est un railshooter. Moche et bugué. Vendu 50 euros. Un raté assez exemplaire.
Faut bien se rendre compte que les railshooters, plus personne n’en a rien à battre depuis belle lurette, surtout à la manette. Le jeu sera moqué, notamment car le studio a obtenu le droit des pistes audio du film, dialogues compris ! Cool ! Mais des versions VHS seulement. Moins cool. Une mauvaise adaptation de plus, tout le monde rigole, rideau.
Quelques années plus tard, votre serviteur achètera le jeu pour 5 euros. De quoi s’occuper avec son Playstation Move… Ah vous l’aviez oublié ce truc !
Et j’ai passé un chouette moment devant ce shooter old school, bourrin au possible, digne des plus grandes heures de l’arcade !
C’était juste un jeu avec 20 ans de retard (vendu trop cher et avec une très mauvaise communication).
Et ces années de retard, indubitablement induites par un manque de moyen, Teyon les transformerons en parti pris.
Des cendres du feu nucléaire.
Alors comment, après un tel four, Teyon a réussi à obtenir les droits de la licence Terminator ? Hein ? Oui, Terminator ! Avec les musiques et tout ! Là où de plus gros studios se sont plantés ! Et vous connaissez la meilleure ? Ils ont sans doute réaliser le meilleur jeu tiré de la saga ! Terminator Resistance se veut une suite spirituelle à Future Shock et Skynet, les deux titres de Bethesda (hé oui !) sorti mi-90’s. Encore une fois, un jeu terriblement en retard comparé aux autres FPS sortis en 2019 ! Actionner mâtiné de RPG et d’infiltration, avant tout dédié aux fans, le jeu surprend par un scénario s’inscrivant parfaitement dans la ligné des 2 premiers films avec un twist plutôt sympa. Malgré un budget clairement limité, les développeurs témoignent d’une compréhension totale de l’univers exploité !
Et c’est peut-être là que réside la clé de l’énigme !
Si la culture populaire évoque une malédiction concernant toute tentative d’adaptation vidéoludique, nous le savons, la réalité s’avère bien moins mystique.
Support marketing dont les droits ont été acquis à grand coup de pognon à la recherche d’un bénéfice le plus rapide possible, les versions polygonés de nos films préférés sont souvent produit dans l’urgence, sous pression même, sans qu’une qualité de résultat, autre que le retour sur investissement, soit attendu.
Vous pouvez vérifier, les adaptations réussies ont vu le jour dans des conditions de travail très différentes des mauvaises.
Pour prendre deux exemples diamétralement opposés : Goldeneye (Nintendo 64) a vu le jour 2 ans après la sortie du film éponyme. Quand E.T l’extraterrestre (Atari 2600) a bénéficié de seulement 5 semaines de développement contre les 7 mois indiqués à l’époque.
Si la qualité des aventures du petit extra-terrestre extrêmement laid chez Atari sert souvent d’illustration facile un peu rigolote au Krach vidéoludique de 1983, on oublie un peu trop souvent de s’attarder sur les raisons de la mauvaise qualité de ces produits.
“-Ah bon, c’est pas tous les développeurs qui se sont mis à faire de la merde volontairement ?
-Vous êtes là, vous !?”
Ces décennies de bataille friquée ont fini par provoquer l’essoufflement des éditeurs, qui ont préféré créer leur propre support marketing en vendant chaque année une suite de leur best-seller.
Aujourd’hui, adapter des films en jeux vidéo n’intéresse plus grand monde. Et puis Disney fais déjà ses propres jeux. Et toute ces adaptations un peu naze ont du faire baisser les prix…
C’est à la fin de fête, alors que résonne Les lacs du Connemara et que les grands patrons roulent sur la table, ivres morts, qu’un gars de chez Teyon doit rentrer discrètement et dire “'-Hé ! Euh… On ferait bien un jeu Robocop… -Hein ? Ouais, tiens, prends les droits, ils sont dans ma veste… -Merci ! -Si ça rapporte du fric, ta merde, tu me dis hein !”
Suffisamment débarrassé d’intérêt commercial auprès du plus grand nombre, ces licences trouvent preneur auprès de studio plus modeste qui peuvent y trouver un moyen de susciter l’intérêt d’un public qui n’aurait jamais prêté attention à eux.
Pour résumer, au mieux, ça rapporte du fric, au pire, tout le monde s’en fout.
Et c’est pas trois guignols qui aiment les hommes luisants en armure qui remueront l’industrie en disant qu’un jeu polonais est nul.
À ton tour, crapule. (Test sans Spoilers)
Après la chouette surprise Terminator Resistance, il me tardait de mettre la main sur ce Robocop Rogue City !
-Je vous ai dit que Robocop, c’était le meilleur film sur cette planète ? Qu’il était parfait et que… -ça suffit !
Robocop (et ses suites), je peux vous le réciter quasi-intégralement de tête. (N’hésitez pas à m’embaucher pour vos mariages, goûter d’enfant, bar-mitzvah…)
Alors quand le studio Teyon Interactive, dont le style des jeux colle parfaitement à ma vision du jeu vidéo s’attaque à mon film préféré, je suis aussi excité qu’un vice-président qui se tape des rails de coke sur les nibards d’une prostituée !
-Pardon ? Mais il est vraiment pas bien là.
La ville de Détroit souffre d’un cancer, ce cancer, c’est le crime. Et dans le Michigan, la chimio elle mesure un mètre quatre-vingt, pèse une tonne et est recouverte de titane laminé et de kevlar.
Un mystérieux personnage qui compte bien devenir le nouveau roi de la pègre débarque en ville. Le meilleur moyen pour l’arrêter ? Votre fidèle Auto-9, un flingue que si toi tu tires avec, ton bras s’envole.
“Direct”, c’est ce qui qualifie le jeu de prime abord. Plongé dès les premières minutes dans une grosse fusillade, accompagné par le thème de Basil Poledouris, les murs explosent, tout comme les têtes, les balles ricoches sur votre armure, pas de doute, vous êtes Robocop.
Joueurs ne jurant que par le modernisme s’abstenir, le gameplay de Rogue City figure au sommet du mont old school. Des couloirs, plus ou moins grand, parsemés d’ennemis tout juste bon à se faire dégommer, avec parfois un boss au bout. La seule trace de modernité ici, c’est l’Unreal Engine 5, nouveau moteur de jeu qui envoie du pâté, difficile de le nier : décors qui volent en mille morceaux, particules dans tous les sens, vas y qu’on te met 40 néons et de la flotte partout pour te faire voir comment ça brille, c’est très joli, c’est vrai, même pour un petit studio qui n’a pas des ressources illimitées. Teyon Interactive ont la chance d’être parmi les premiers à exploiter ce moteur car il y a fort à parier que dans un futur proche, des développeurs plus fortunés l’exploite de façon encore plus impressionnante.
Mais alors, avec un gameplay aussi basique et répétitif, même si c’est très joli à regarder, comment maintenir l’intérêt du joueur ?
Et bah c’est pas compliqué : le Gun Feel. Que l’on parle de sensation de jeu, de bruitage, d’impact, le flingue du cyborg est ultra bad-ass à utiliser. A tel point que vous utiliserez rarement les autres armes à votre disposition. Il en va de même pour Robocop, dont la mobilité est réduite sans pour autant nous donner l’impression de conduire un tractopelle au bout du stick. On a même plutôt l’agréable tendance à se sentir invincible, la menace c’est nous, pas les ennemis.
Voilà ce qu’aucun jeu adapté de licence au héros surpuissant n’avait réussi jusqu’à présent : retranscrire l’impression d’incarner le personnage.
“Bah oui mais c’est nul du coup si on peut pas mourir !”
Ne vous inquiétez pas, jeunes masochistes dark souliens ! Les développeurs nous proposent un challenge à la hauteur de notre invulnérabilité, car au milieu de hordes de gangsters lambda, se ballade toujours un fifrelin armé d’un lance-roquettes dont il faut sacrément se méfier ! Le jeu offre même, notamment dans sa deuxième moitié, des gun fights assez tendus !
D’une certaine manière, le jeu fait écho aux railshooters (Teyon n’a pas fait que Rambo), de par son efficacité, et aussi sa linéarité.
Du coup, c’est tout, pan-pan-boum et c’est marre ?
TOUT CET ACIER !
Non ! Ça serait bien mal connaitre Teyon ! Le jeu est distinctement segmenté. Si tirer sur tout ce qui bouge est une phase, d’autres séquences sont beaucoup plus posées et narratives. Propulsé dans un petit quartier ouvert, le jeu nous invite, par exemple, à enquêter sur un meurtre, venir en aide à la population dans quelques missions secondaires et à ramasser quelques collectibles, ces passages sont parfois un peu long mais réellement bienvenu pour faire redescendre la tension.
(Je dis “un peu long” mais c’est parce que j’ai fait toutes les missions secondaires et pas mal flâné pour trouver tous les petits easter eggs ici et là.)
Ça serait d’ailleurs une erreur de dire que Robocop Rogue City est un simple FPS bas du front, si c’est ce qu’il est dans la forme, les développeurs n’ont pas oublié de travailler le fond. Comme ils en avaient déjà fait la preuve avec Terminator Resistance, l’univers du film est, en plus d’être respecté, parfaitement compris. Le scénario fait le lien entre les deux derniers opus de la trilogie. Sans être vraiment daté, le jeu prend place peu de temps après Robocop 2, la drogue “Nuke” continue de faire des ravages, la tension entre l’OCP et les forces de police suite aux grèves générales est palpables, et, chose inattendue, le jeu s’attarde sur un sujet vite survolé dans les films : la psyché et l’humanité d’Alex Murphy (aka Robocop). Et comme avec les quelques twists de Terminator Resistance, j’avoue que Teyon a encore réussi à me cueillir avec certains points du scénario, très agréable à suivre, proposant même quelques embrochements par l’intermédiaire de discussions et de camps à choisir via nos actions.
À tout cela s’ajoute une légère dimension RPG, en accomplissant différentes actions, vous obtenez de l’expériences afin d’améliorer les capacités de Robocop : force, visé, relations humaines…
Il est en de même pour votre arme, qu’il est possible de “pimper” avec un système de puces et de carte mère, pour un résultat pouvant s’avérer dévastateur ! (Le mien tire des balles explosives, démembrement garanti.)
C’est ce que j’aime chez Teyon, cette capacité à proposer plein de petits “à cotés” qui ne sont, en aucun cas, obligatoire ! Rien à faire de l’histoire ? Ne faites pas les quêtes secondaires, ignorez les dialogues. La flemme d’améliorer son personnage ? Vous pouvez largement finir le jeu sans.
Hormis une répétitivité excessive qui ne plaira clairement pas à tout le monde, on pourra aussi noter une modélisation des personnages brut de décoffrage, jouant parfois en la faveur du jeu car on en vient à douter sur le fait qu’il ait obtenu le droit à l’image de certains acteurs ! Cependant, si les animations faciales sont très limitées et la mise en scène assez simple, ça reste mieux fait que dans Starfield.
Pouah ! C’était gratuit, ça !
Avant de conclure, je tenais à faire une petite dédicace à tous les “influenceurs” jeux vidéo qui qualifie le film Robocop de simple nanar d’action cheapos, en leur répondant que c’est comme Starship Troopers, c’est un simple nanar avec des grosses bêtes.
Mais je comprends que la critique d’une société que l’on contribue à formater puisse nous échapper.
Vous êtes un excellent développeur, jeune homme.
Vous l’aurez compris : FPS en retard + mon film préféré = Coup de cœur.
Teyon Interactive est clairement un studio à surveiller de très près, en espérant qu’ils n’essaient pas trop de coller aux standards actuels en tombant dans les poncifs du genre tout en réussissant à faire évoluer leur formule, pour, peut être un jour, nous proposer un jeu original ! En attendant, ça vous dit pas de nous pondre un jeu Aliens ?
Demeure une question : “Si je n’ai pas vu Robocop plus d’une centaine de fois comme toi, est ce que ce jeu m’est destiné ?” Il est vrai que pour un fan boy dans mon genre, le jeu fait plutôt fort ! Le retour de Peter Weller dans le rôle, références dans tous les sens, on retrouve les décors et les personnages des films, sans oublier l’aspect politique de l’histoire. Si tu connais pas Robocop, ta vie est bien triste, je te conseille donc de le voir au plus vite. Cependant, si tu es amateur de FPS très old school qui tabasse, peut-être que ce jeu s’avérera être une porte d’entrée pour toi dans la saga.
(J’espère secrètement un DLC abordant un peu plus Robocop 3)
Le jeu m'a déjà conquis par sa démo qui était généreuse. L'ambiance est fidèle comme l'impression d'incarner Robocop, ce frigo de la justice.
Tu fais bien de parler de Teyon, un studio intéressant et à suivre.
Très bon test en tout cas !