En démarrant Steam aujourd’hui, je fais le tour de l’actualité de mes jeux : Promo, mise à jour, journal des développeurs… J’apprends alors que l’excellent Shadows of Doubt - immersive sim d’enquête - de ColePowered Games sort d’Early Access pour passer dans sa version 1.0, le jeu est donc considéré comme “Gold”, terminé.
Terminé, mais les développeurs précisent bien qu’ils continueront à corriger les bugs.
Terminé, mais ils continueront d’ajouter du contenu supplémentaire au jeu.
Comme ils le précisent eux-mêmes : Un jeu n’est jamais vraiment terminé.
C’est le cas de n’importe quelle œuvre. Quand considère-t-on qu’il y a assez de couplets dans une chanson ? Combien de couleurs sur un tableau ? Faut-il expliquer tous les éléments d’une intrigue ? Doit-on faire 10 éditions spéciales de son film avant de tout revendre à Disney ?
Et les jeux Microïds, sont-ils seulement vraiment commencés ?
Shareware
À l’heure où les jeux vidéo nous sont vendus dans des versions incomplètes de manière assumée, nous forçant à l’achat de futur DLC (si l’éditeur ne change pas d’avis entre temps) ; où le terme “Early Access” est devenu synonyme de démo payante ; où les “games as service” proposent un ennui illimité mis à jour chaque semaine : quand un studio décide que son jeu est terminé ? Quand un joueur sait qu’il a fini le jeu ?
Si les progrès de l’internet auront rendu possible la correction de bugs majeurs à grande échelle et une distribution d’extensions facilité, les dérives commerciales de ce système se seront développés bien plus vite que n’importe quel patch de Cyberpunk 2077.
Les éditeurs l’ont bien compris, il est plus rentable de maintenir l’intérêt du joueur sur le même jeu que d’en développer de nouveaux.
Citons Rockstar Games, trop bon exemple de cette évolution.
- Que vous voulez, j’ai du talent.
La série phare du studio, Grand Theft Auto, a vu naitre 5 opus majeurs en l’espace de 8 ans. De GTA 1er du nom, sorti en 1997, jusqu’à GTA San Andreas, le jeu plus vendu de la PS2, sorti en 2004, signant la dernière itération de la série avant la révolution du Online sur console de 7e génération. Démocratisant au passage les serveurs role play non-officiels sur PC (hé oui, c’est bien antérieur à la folie GTA V !)
Ces années durant, le studio a également continué de sortir d’autres titres, un peu plus anecdotiques et à travailler sur des portages console comme celui de Max Payne.

Ce n’est que 4 ans plus tard que sortira GTA IV, rare jeu de la saga à proposer un vrai mode multijoueur complet jusqu’alors. Proposition logique au vu de l’explosion des services en ligne sur console. S’ensuit 5 années (et 2 extensions) avant la sortie de l’actuel Grand Theft Auto V.
- Et là, normalement, tu te dis : “attends, il a dit « actuel » ? Mais GTA V, il est sorti y’a plus de 10 ans !”
- Hé oui. Bravo, Kevin, les calculs sont pas mal.
Il se sera écoulé plus de temps entre la sortie de GTA V et GTA VI, qu’il en aura fallu à Rockstar pour développer toute la série, spin-off inclus.
Bien sûr, tout cela est à relativiser : déjà, Rockstar, ce n’est pas UN studio, mais une DIZAINE. Entre temps, ils ont quand même sorti le très surcoté Red Dead Redemption 2, qui a dû demander beaucoup de travail (tellement, qu’il en a oublié d’être un jeu). La volonté de Rockstar est de pousser leurs titres toujours plus loin, comme leurs employés. On ne détaillera pas ici les raisons, notamment marketing, qu’ils ont à faire monter la hype pour un jeu qui sera sans doute très bien, mais dont les défauts seront oubliés dans des reviews à coup de fan-boyisme aveugle et de chèques en blanc.
Le marketing necromancien
Combien de studios parviennent à tenir leur barre pendant 10 piges sans sortir de jeux régulièrement ?
En ne payant pas ses impôts, oui.
Et aussi en vendant le même jeu, en boucle. En injectant le minium d’effort, en proposant un mode en ligne. Loin de moi l’idée de dévaloriser le travail des équipes de GTA Online, ni de me moquer de ces joueurs qui investissent du vrai argent dans ce truc - aha, les nazes… - d’autant que moi-même, je prolonge l’expérience sur un serveur RP avec des camarades - gratuitement - mais ça semble un peu feignant.
Le Role Play qui a clairement vendu à lui seul des palettes de Grand Vol Véhiculaire, d’ailleurs.
Cocasse, et un poil salaud, quand on sait que Rockstar n’a jamais porté la communauté du modding dans son cœur. Jusqu’à ce qu’ils puissent en tirer du fric en tout cas.
Toujours est-il que nous voilà, 10 ans après la sortie d’un titre, à l’acheter encore, lui et tant d’autres !

J’vous fais pas la liste, mais vraiment : entre remake/remaster/emulation/suite, on joue BEAUCOUP à la même chose. Et au prix fort. Les constructeurs ne l’admettent pas encore, mais avec leurs consoles devenues des PC à l’obsolescence programmée, la guerre des graphismes et des exclusivités n’existe plus. Microsoft rachète des studios à la pelle, comme s’ils continuaient de proposer des jeux. Sony sort ses jeux sur PC, mieux optimiser que sur leur propre console. Finalement, comme d’habitude, il y a Nintendo qui… rentabilise la Switch.
Le fossé entre les générations de machines se rebouche chaque année. Quand j’achète mon jeu sur Playstation 5, 80% du temps, on me fournit avec la version PS4.
Mais au final, pourquoi faire ? Vous pensez vraiment que je vais redémarrer mon ancienne console pour comparer ? Ou que je vais acheter une console dernière génération pour jouer au jeu qui tourne très bien sur ma machine actuelle ? Pour jouer au jeu que j’ai déjà fait y’a 5 ans, en moins bien, parce que le remaster est dégueulasse ?
Bah oui. On le fait tous. C’qu’on est con.
La nostalgie instantanée
C’est moi ou l’industrie fait tout pour nous rendre nostalgiques le plus vite possible ?
Est-ce qu’on serait pas arrivé au bout d’un truc ?
C’est vrai, finalement, le jeu vidéo, c’est un médium récent, et comme son grand frère, le cinéma, on sait plus trop quoi en foutre.
Nous sommes en 2024 et sort cette semaine, au cinéma, un nouvel Alien et un The Crow. Alain Delon est mort au putain d'âge de 88 ans et les médias en parlent comme si on venait de perdre la nouvelle révélation du cinéma. Robert Downey Jr revient chez Marvel. On est arrivé au point où les œuvres s’auto-digèrent ! Ça n’inquiète que moi ? Disney nous a cassé la nouille avec End Game : la fin d’une saga, un événement aux répercussions sans précédent… mais mon cul sur la COMMODE, ouais !
Et venez pas me justifier ça par votre connerie de multivers qui est juste devenue l’excuse pour annuler toute tentative de parti-pris scénaristique.
Si vous vouliez vraiment nous envoyer un plot-twist à la tronche, plutôt qu’un aveu d’incapacité à raconter une histoire, vous auriez tout fait pour ne pas dévoiler que Downey Jr allait revenir. Alors, s’il vous plaît, nous sortez pas une scène de révélation dramatique dans le film. Ça nous évitera de faire semblant d’être surpris. (50 balles que ce sera pas le seul à revenir).

Clairement, on commence à pédaler dans la semoule.
Un nouvel épisode dans la licence Star Wars, qui était, pour de bonnes ou mauvaises raisons, un événement majeur et attendu, provoque aujourd’hui autant de surprise qu’une dickpic non consentie envoyée par un YouTubeur.
Les jeux en monde ouvert, promesse de tous les possibles, à l’époque, sont devenue l’antithèse de la liberté qu’ils prônaient. Aussi bien pour les joueurs que les développeurs.
La curiosité et l’inquiétude provoquée par un remake ne laissent dorénavant place qu’à l’habitude et la facilité.
Ne serait-ce pas un peu de notre faute ? Notre manière de consommer ces médias pèse lourd dans la manière dont ils sont créés.
Cela vaut-il le coup d’écrire un Cliff-Hanger à chaque fin d’épisode alors que tu vas la binge-watcher la série ? Tu la binge-watch tellement qu’on te passe le générique automatiquement. Alors qu’un générique, ça fait partie d’une œuvre. Déjà, parce que, excuse moi, on peut rendre hommage 30 secondes aux gens qui l’ont créé, que c’est une création réfléchie, ça temporise ! Comme le générique de fin, ça se termine parfois sur une musique symbolique, ça te laisse le temps de sortir de l’œuvre, de retourner au réel, de commencer à analyser ce que tu viens de voir !
Mais non, toi, tu le passes, tu regardes 5 épisodes d’une heure chacun mais t’as pas le temps !
Excusez-moi, je m’emporte.

Il est évident que, comme le reste, l’industrie du divertissement, est victime du capitalisme. Elle pousse toujours plus vers la consommation à outrance, c’est pas que de ta faute.
C’est même étonnant de voir qu’elle agit comme si elle n’avait jamais connu de crise (et n’en traversais pas une actuellement) pour des raisons étrangement similaires.
Comme dans les années 60 où Cléopatre, film dont la démesure poussera la 20th Century Fox aux portes de la faillite, et fera reconsidérer la manière de produire les œuvres. Pour rappel, son budget, à l’époque, équivaut à celui d’Avengers : Endgame aujourd’hui (sauf que y’a pas Mark Ruffalo mal incrusté dans une armure).
Ou encore le Krach du jeu vidéo en 1983, événement (bien qu’à relativiser) causé par l’avalanche d’innombrables merdes vidéoludiques sur le marché.
- Ils ont même enterré plein d’extra-terrestres dans le désert !

Il semblerait que notre besoin de nostalgie ne se limite pas qu’aux événements positifs.
Avez-vous remarqué ? N’importe quelle grande surface aujourd’hui à son rayon dédié à Harry Potter, dont le dernier film intéressant est sorti en 2011. Y’a même des boutiques spécialisées ! Y’a pas un truc qui cloche ? Ah bah non ! Amazon prévoit une nouvelle adaptation déjà prévue pour s’étaler sur 10 ANS ! Ne touchez à rien !!!
Est-ce qu’il ne serait pas temps que l’on fasse tous un effort et qu’on laisse partir tranquillement dans leur sommeil toutes ces sagas ?
Pas les oublier ! Les laisser se terminer.
Comme on l’a cru à une époque. Globalement, là, on est tous plus ou moins accroché à des cadavres.
Moi aussi, j’aime jouer à mes jeux en HD, je suis heureux de voir un nouvel Alien au cinéma autre que Prometheus, mais si l’on veut que la culture pop continu de grandir, il faut l’alimenter, et non lui jeter des restes.
Heureusement, il y a aussi plein de nouvelles choses originales qui continuent de sortir, qui viennent de commencer, auxquelles on pourra s’accrocher jusqu’à leur fin.
Est-ce que tout ceci n'est pas la seule faute de Super Mario All Star (lifting des jeux Mario de la NES) sur Super Nintendo ?
"Grand Vol Véhiculaire", c'est du génie.
J'ai beaucoup ri, et je valide vos propos !